Médaillé d’or aux World Games 2017 et champion d’Europe 2018 avec l’équipe de France de football américain, Sébastien Séjean a également connu une aventure de pré-saison en NFL avec les Rams, de Saint-Louis à l’époque. Aujourd’hui à la retraite, l’ancien safety de 36 ans porte un regard satisfait sur sa carrière sportive.
Vous avez débuté aux Molosses d’Asnières-sur-Seine par le flag football en 2000, comment se sont passés vos premières années de footballeur américain ?
Chaque année il y avait des camps équipe de France pour les juniors. J’ai fait tous ces camps en 2001 et ça s’est super bien passé. J’ai eu ensuite l’opportunité de rentrer en sport étude à Amiens, notamment pour préparer le championnat d’Europe junior. Et après ce championnat, j’ai eu l’opportunité de jouer avec la team Europe. A l’époque, ça n’existait pas le championnat d’Europe junior avec les nations. Donc en partenariat avec la NFL, ils prenaient les meilleurs juniors européens et ils les mettaient sur une équipe européenne qui allait jouer pendant la semaine du Superbowl aux Etats-Unis pour jouer contre les meilleurs joueurs de CEGEP du Canada, contre les meilleurs joueurs mexicains, japonais, et les meilleurs joueurs de l’état américain où se déroulait le Superbowl. Moi c’était en 2003 donc c’était en Californie. Quand j’y suis allé j’ai eu l’opportunité d’avoir des contacts avec différentes universités. Quand je suis rentré en France, j’ai eu l’opportunité de jouer le championnat du monde sénior avec l’équipe de France le même été. C’était le premier que la France jouait. J’avais encore une année d’étude à faire en France à ce moment-là avant d’avoir le bac. Une fois que je l’ai eu je suis parti à l’université de Laval au Canada.
Pourquoi avoir choisi de partir jouer en universitaire au Canada ?
Je suis parti à Laval car c’était plus simple au niveau scolaire, au niveau équivalence des diplômes. Et pour partir aux Etats-Unis à l’époque on n’avait pas les mêmes facilités que les jeunes d’aujourd’hui. Aujourd’hui, les jeunes peuvent rentrer dans un JUCO pendant six mois, passer le TOEIC ou le TOEFL, et rentrer en première division. Dans ce temps-là, il fallait tout faire soi-même, depuis la France, au petit bonheur la chance. Le plus simple et le plus logique pour moi c’était d’aller dans le meilleur programme canadien.
Quand je jouais le championnat du monde junior, on était entraîné par des coaches NFL Europe, donc on était invité à des camps NFL Europe. Pour être considéré comme joueur professionnel, il faut faire trois jours dans un camp. Donc si on fait trois jours dans un camp, on est considéré comme professionnel et on ne peut plus jouer en universitaire. Lorsque j’ai eu la proposition des camps NFL Europe, j’avais aussi la proposition d’aller jouer en universitaire à Laval. Du point de vue des études et du football américain, c’était plus intéressant pour moi d’aller jouer en université.
Après ce départ en Amérique du Nord, est-ce que la NFL est devenu un objectif ?
En allant jouer en universitaire à Laval, ça me donnait un passe-droit pour jouer en NFL Europe. Je savais dans tous les cas qu’à la fin de ma carrière universitaire, au pire je pouvais revenir en Europe et jouer en NFL Europe. Mais entre-temps, quand on joue en universitaire, qu’on voit le niveau et qu’on voit qu’on n’est pas loin du niveau pour être sélectionné dans une draft, CFL ou NFL, forcément les objectifs sont à la hausse, mais tout en ayant un garde-fou.
Lors de ma première année universitaire, des recruteurs CFL sont venus me voir. Au niveau pro, ils avaient juste le droit de se présenter et de me parler, de dire des beaux mots. Entre temps, les recruteurs de la NFL Europe me suivaient aussi à distance. Quand je suis arrivé à mon avant-dernière année universitaire, ils ont vu que j’avais des opportunités en CFL et en NFL. J’ai été contacté pour faire des camps d’évaluation dans toute l’Europe. Il y en a eu un à Londres, deux à Séville. J’avais aussi passé des tests à l’université de Michigan aux Etats-Unis et celle du Connecticut.
Et puis vous avez reçu une invitation NFL des Rams de Saint-Louis, comment cela s’est-il passé pour vous ?
L’expérience aux Rams s’est super bien passée. Après c’est un autre niveau. La plupart des joueurs qui arrivent sont des universitaires qui arrivent au mini camp, juste après la draft. Moi, j’ai tout loupé, je suis arrivé tard. Je faisais le tour du monde pour faire des tests, donc je suis arrivé en juin, même pas au camp rookie, mais au camp d’entrainement. Je suis arrivé et on m’a donné le playbook et on m’a dit « let’s go ». En terme de temps de travail et d’opportunité, ce n’était pas la même chose que pour les Américains, mais il faut prendre son mal en patience et se dire que c’est une belle opportunité, même si on n’a pas tous les éléments de notre côté. Je me rappelle que quand je suis arrivé, la première année, c’était l’année où s’était fait drafté Chris Long. Je jouais avec des joueurs que les jeunes ne connaissent pas, mais s’entraîner avec des joueurs comme Torry Holt, Marc Bulger, Orlando Pace, qui sont maintenant Hall of Fame, jouer des matches contre Ray Lewis, Chad Ochocinco, Terrel Owens, Tony Romo, Jason Witten, et j’en passe, c’est un tout autre niveau.
Avec ce parcours atypique et le fait d’être français, avez-vous senti un traitement différent à Saint-Louis ?
Le fait que j’ai eu un parcours différent ou que je sois français, ils s’en foutent. Dans tous les cas, on a deux, trois, quatre actions pour faire ses preuves. Techniquement, une fois qu’on a un maillot et un casque sur le terrain, ils s’en foutent de savoir qui on est. L’une des choses qui m’a le plus marqué en NFL, c’est qu’on a beau s’appeler Ray Lewis, Tom Brady ou Joe Montana, quand on est sur le terrain, les entraineurs nous appellent par notre numéro, pas par notre prénom. Donc tout le monde est à la même enseigne.
Aujourd’hui, avec le recul de la retraite sportive, que pensez-vous de votre parcours ?
Je ne changerais rien à mon parcours. J’ai eu deux carrières, une en jeune qui s’est terminée avec la NFL, et après une deuxième en Europe, beaucoup plus axée sur l’équipe de France. Je ne changerais rien à cette carrière dans sa globalité. Peu importe ce que j’ai fait, je n’aurais pas pu mieux faire à ce moment donné.
Pour moi, aller aux Etats-Unis ce n’était pas un rêve. Après, je ne vais pas vous mentir, il y a beaucoup de personnes qui disent qu’ils sont talentueux, mais il y a beaucoup d’heures de travail derrière et de sacrifices. Après 2003, la première fois que j’ai passé un nouvel an avec mes parents c’était en 2011 ou 2012. De là à dire que j’avais un rêve américain non. C’est énormément de travail, énormément de sacrifices, pour atteindre un objectif.
Images : Jojo Lap
